À LA CIME DES ARBRES

Vous allez écrire une prière.
À une personne, à un groupe de personnes, à un objet, à une entité, à une forme, à une pensée, à une temporalité, à un corps…
Comme Charlotte Delbo, vous pouvez écrire une prière sous la forme d’
un poème, en vers.
Mais vous pouvez aussi écrire une prière qui prend la forme d’une simple lettre, ou d’
un récit.

Cette prière sera entièrement adressée.
L’adresse directe prend la forme des pronoms “tu” ou “vous”.

Vous allez décrire la personne, le groupe de personnes, l’entité, la forme, auxquels vous vous adressez.
Vous allez la décrire dans ses attitudes, ses habitudes, son quotidien, ses actions diverses, dans son corps, son allure, son apparence.
Vous allez employer la reprise, comme le fait Charlotte Delbo :

votre main au chapeau

votre main sur le cœur

que vous buviez aux terrasses

que vous soyez plus jeunes chaque printemps


Et c’est par la reprise que vous apporterez de la précision à votre propos.
Votre prière se terminera par une demande.
Demandez quelque chose à la personne, le groupe de personnes, l’entité, la forme, auxquels vous vous adressez.
Pour cette dernière partie, votre narrateur ou votre narratrice s’exprimera à la première personne :
Je.

Toi qui rêvait éveillé,

Toi qui touchait la cime des arbres,

Toi qui ne pensait qu’à vivre.

Te voilà perché

au sommet.

Hors d’atteinte.

Tu touches à présent les nuages.

Tu nous regardes d’en haut.

Tu sommeilles en bas.

Tu m’ordonnes aujourd’hui de toucher le ciel.

Tu m’ordonnes aujourd’hui de bouger.

Tu m’ordonnes aujourd’hui de ne pas rester là planter comme un arbre.

Toi, l’ordinaire,

l’extraordinaire.

Toi,

Farceur,

Toi,

Rieur.

Toi qui portes sur tes épaules,

Toi aux belles chemises,

Toi à la barbe qui pique,

Toi au regard vif.

Si tu savais comme je t’ai cherché.

Ta voix que j’ai entendue dans des corps inconnus.

Ton odeur dans les pas de passants enjôleurs.

Je t’ai vu en photo,

Je te vois encore en photo.

Je demande encore aux astres : Pourquoi?

Je demande encore aux astres : Comment ?

Comment reprendre la route?

Comment nager à contre-courant?

Comment voler sans ailes?

Comment reprendre son souffle?

Je prie pour la moisson,

Je pris pour les affamées,

Je prie pour toutes celles qui veulent croquer le fruit défendu.

Je prie pour les rêveurs,

Je prie pour les somnambules,

Je prie pour tous ceux qui restent éveillés,

Je prie pour les gens de la nuit.

Je prie pour tous ceux qui font,

pour tous ceux qui écrivent,

pour tous ceux qui veulent aussi laisser,

pour tous ceux qui ne veulent pas partir sans rien laisser.

Je prie pour les traces,

Je prie pour les mémoires,

Je prie pour les lettres au fond des boîtes,

Je prie pour les photos qui collent les unes aux autres,

Je prie pour l’encre qui coule.

Je prie pour tout ce qui reste.

Je prie pour tous ceux qui restent.

CONTEMPLATION INACHEVÉE

Écrire depuis l’absence, le vide, depuis la non-action, le manque, tout ce qui n'a pas lieu, ce qu'on attend et qui ne vient pas. 
Vous allez dire ce qui n’est pas.
Vous allez composer un tableau plein d’absences et de mystères.

Désir(ée),

J’ai cessé de contempler les étoiles.

Dans ma course inachevable,

J’ai croisé le regard d’une personne sans visage.

J’ai hurlé ton nom dans l’oreille d’un sourd.

J’ai écrit des pages blanches par centaines.

Aperçois-tu encore ma silhouette à travers la fenêtre?

Ma main tendue cherche encore ta chaleur.

Tu disparais, sans rien dire, sans m’écrire.

Désir(ée),

J’ai appelé le bureau du bonheur,

Peut-être n’ai-je pas appelé à la bonne heure,

Peut-être que je n’y suis pas allée de bon coeur.

Mais Désir(ée),

J’ai appelé le bureau du BONHEUR.

Mais, tu ne réponds plus à l’appel.

Tu laisses sur répondeur.

Désir(ée),

Tu es partie.

Cette impression du dernier regard, du dernier souffle.

Au néant de mon être,

Au nulle part de mes pas.

Tes mots qui s’effacent.

Ta voix inaudible.

Désirée,

M’as-tu attendu ?

M’as-tu entendu ?

Je n’y arrivais plus.

J’ai essayé, en vain,

Mais rien à faire, rien à dire, rien à écrire.

J’ai cessé de te contempler.

J’ai cessé de t’écouter,

Je ne veux plus de ce bruit incessant,

cette mélodie à contretemps,

à contrecoeur.

J’ai cessé de te contempler la nuit,

J’ai cessé de te contempler le jour, aussi.

Désir,

Tu ne me manques plus.

Tu ne m’attires plus.

Tu m’écoeures.

Comment ai-je pu vouloir un jour de toi?

Comment ai-je pu vouloir?

Comment ai-je pu, Désir(er)?

JE ME JOUE, JOUE DE VOUS

Vous allez prendre un verbe.
Un verbe entendu souvent autour de vous.
Un verbe qui pourrait paraître banal. 

Une fois votre verbe choisi, vous allez tenter, comme Layli Long Soldier, de le définir.
Vous allez le faire vivre dans le temps :
à l'infinitif, au présent, au passé. 
Puis vous allez le placer sous différents angles. 
Pour cela, vous allez utiliser différents pronoms :
je, elle, ils, nous, on. 
Et à partir de là, vous allez faire un récit d'une scène en lien avec ce verbe.

Le matin, elle jouait à la marelle.

un caillou dans la paume,

une jambe levée,

trois sauts en avant.

Le midi, elle jouait au facteur.

une heure, le facteur n'est pas passé.

deux heures, le facteur n'est pas passé.

trois heures, le facteur n'est pas passé.

Le soir, elle jouait à cache-cache.

les mains sur les yeux,

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.

Elle jouait pour s'amuser.

Elle jouait par ennui.

Elle jouait toute seule.

Elle jouait pour oublier.

Elle jouait pour rêver.

S O L E I L !

jouer - jouet - jeu.

Je.

Je(u) joue avec mes jouets.

Je joue à faire semblant.

Je me joue des autres.

Il ne voit que ce que je leur montre.

Je joue sans règles,

Je joue pour moi,

Je joue.

Je me cache dans le placard,

Je me déguise,

Je porte des vêtements qui ne m'appartiennent pas,

puis je me regarde dans le miroir.

J'y vois celle que je veux être.

Celle qui joue tout le temps,

Celle qui rit,

Celle qui s'amuse,

Celle qui aime.

J'esquive les balles.

J'attrape les voleurs.

Je m'immobilise.

Une étiquette dans une bouteille,

La bouteille se casse,

L'étiquette s'envole.

Maintenant, nous n'allons plus à la récréation.

Nous ne prenons plus le gouter,

Le sang ne coule plus sur le goudron,

La sueur ne colle plus à nos chemisiers d'écoliers.

Le jeu, ce n'est pas pour les grands.

Ils n'ont plus le temps.

Plus le temps, pour les gamineries, les enfantillages.

Pierre, feuille, papier, ciseaux.

Il faut travailler,

Il faut faire des choix,

Il faut être sérieux,

Il faut se mettre en rang,

Il faut obéir aux règles.

Moi, je joue,

Moi, je jouerai demain, après-demain et le jour d'après.

Je jouerai jusqu’à en perdre le souffle.

Je jouerai avec les égratignures.

Je jouerai sous la pluie.

Je jouerai à la nuit tombée, au crépuscule, au zénith du midi, au lever du jour.

Je me joue de toi, de moi, de vous, à vie, à mort.

CE MATIN, AU LOIN, JE T’AI VU.


 
Vous allez écrire un poème qui sera un souvenir.
Dans votre souvenir, il y aura aussi deux personnages.

Vos deux personnages seront quelque part. 
Vous allez décrire cet endroit.
Vous allez aussi écrire une atmosphère, une lumière, des odeurs, différentes couleurs, des textures, des impressions.
 
Vous allez décrire les actions de vos personnages.
Vous allez décrire l’activité qui les réunit.

Vous allez aussi intégrer des dialogues dans votre poème.

Vous allez accorder un soin particulier à la justesse du découpage de vos vers.
Vous allez écrire un poème versifié. 
En vers libres. 
Ce qui guidera le découpage de vos vers sera la construction de la phrase. 
Et les propositions qui composent ces phrases.
 

Ce matin-là,

Je me suis levée tôt,

Le soleil venait à peine de se lever

Mais j’étais là, debout, prête à m’immerger

L’étendue bleue qui se trouvait devant moi

m’était familière

Ses flots

Ses vagues

Son sel

le son du littoral

le son des alizées

le son des oiseaux

le son de la mer

Je descends les premières pierres

je m'accroche aux branches

je m'appuie sur des surfaces planes

je pose enfin mes pieds sur le sable

L'eau est un peu froide

mais

limpide

La meilleure façon pour y entrer

le plongeon

totale immersion

se laisser envahir

par l'immensité

Plus loin,

là où l’on a pas pieds,

là où les bateaux flottent,

là où les oiseaux se posent,

J’aperçois ta silhouette

Tu es là

Tu m'attends

Je veux te rejoindre

Je nage

Je nage doucement

Je prends mon temps

Les battements de mes jambes

Le mouvement de mes bras

Mes respirations

suivent un même rythme

Je ne t'ai pas vu partir

Quand es-tu arrivée?

peut-être que ton réveil a sonné plus tôt que le mien

Tu es loin

mais

j'arrive

je sais que tu m'attends

Tu me l'as dit :

"Trop loin.

Reviens!"

l'appel de l'eau

j'y réponds toujours.

ÉTAT DE CORPS ENDORMI

Vous allez écrire un rêve dans lequel votre voix va traverser des étapes. 
Comme dans les phrases des enfants, il sera question de beauté, de choses vues, de choses senties, de choses traversées, belles, étonnantes, bouleversantes. 
Vous allez rêver, imaginer, ou vous souvenir. 

Cette nuit j’ai rêvé dans le corps de mon premier plongeon.

À ma première plage et son sable granuleux,

Aux galets chauds sous mes pieds,

Aux vagues frappant mon corps frêle.

Ce premier plongeon,

Cette première « tasse »,

Ce sel marin qui pique.

Je plonge,

Le fond de l’eau m’attire, me tire vers lui,

Je ne remonte pas à la surface, jamais.

La submersion,

L’envahissement,

Toute entière, la mer me fait sienne.

Je suis elle,

Elle est moi,

Nous sommes.

Flotter n’est pas le but de mon plongeon.

Plonger, du latin plumbicare dérivé de plumbum (« plomb ») à rapprocher de l'italien piombare (tomber à plomb)

Tomber tout au fond, prendre pied sur une nouvelle terre,

Renverser le monde, le prendre à l’envers.

Je ne frôle plus le goudron, le parterre, les trottoirs.

La palme qu’est mon pied s’enfonce dans la poudre saline,

Les coquillages s’incrustent dans mon épiderme.

Les rayons du soleil traversent l’azur,

Arrivent jusqu’à moi,

Illuminent mon visage.

Immergée dans cette apnée ineffable,

Morphée ne me réveille pas,

Je resterai à jamais plongée dans un sommeil tout en bas.

POÉSIE DOCUMENTAIRE

Prenez un document, n'importe lequel : 

- Article tiré d'un journal 
- Post sur un forum quelconque 
- Manuel de science 
- Lettre administrative 
- Publicité 
- Posologie d'un médicament 
-  Compte rendu d'une réunion
- Discours politique
- Extrait de thèse 

Les documents nous entourent. 
Il y en a partout. 
Prenez un document. 

Tirez-en des phrases, des propositions, des mots, des lettres. 

Faites-en un montage. 
Répétez certaines séquences. 

Coupez. Collez.


Écrivez un texte sans l'écrire. 

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Il y a toujours le jour même.

Il y a le jour même.

Il y a le jour.

Description de thèse : Le sens caché des fleurs : symbolique et botanique dans la peinture du XVIIe siècle par Alain Tapié (https://www.theses.fr/2000CAEN1304)

« Déjà présent dans les fresques de l’antiquité ou les enluminures du moyen-âge, l'art floral trouve son apogée et son autonomie dans la peinture du XVIIe siècle. Si le spectateur d'aujourd'hui retient avant tout de ces tableaux la séduction décorative, la richesse de coloris ou la facture minutieuse, il ne doit pas ignorer que les fleurs qui y sont représentées constituaient, au-delà de leur fonction ornementale, le vecteur de sens multiples. Dans les écoles française, italienne ou nordique de cette époque, les artistes ont recueilli et combine un héritage de sens particulièrement foisonnant : plus que dans les filiations esthétiques, c'est dans les sphères d'influence religieuse ou philosophique qu'il convient de rechercher la signification multiforme de ces tableaux. Ainsi la tradition chrétienne, la vision protestante du monde, comme les sources mythologiques de l’antiquité ou la science botanique naissante, se combinent a des degrés divers a la fonction décorative, se juxtaposent ou se fondent, pour charger les fleurs d'une infinité de significations. Guirlandes glorifiant une scène religieuse ou un personnage de haut rang, bouquets ou fleurs isolées incarnant les vertus des saints et de la vierge marie, symbolisant la fragilité de la vie humaine ou des choix moraux proposés à l'homme, témoignages de la beauté de la création divine, métaphores des saisons ou des cinq sens, récits de métamorphoses mythologiques. Fruits et insectes, à leur tour chargés de significations, viennent souvent renforcer l’interprétation symbolique du tableau. »

Aujourd’hui, il ne doit pas ignorer les fleurs.

Dans les fresques isolées,

Trouve fragilité et beauté.

Retient avant tout le présent,

au-delà des sphères, au delà des saisons.

Divine d’une infinité naissante, symbolique vision.

Cinq sens, sources de l’interprétation

se combinent, se juxtaposent ou se fondent.

Souvent pour rechercher dans les écoles,

ou lieu de séduction,

La signification multiforme de la vie.

Le spectateur,

Les Artistes,

L’homme,

La vierge marie,

Tradition humaine,

Récits de métamorphoses.