FROM ME

11 RUE DES MAUX OUBLIÉS

9903, PLANÈTE BLEUE

Lettre 01

Décembre 2022

Ne m’oublie pas.

N'oublie pas pourquoi j’existe.

N'oublie pas mon utilité.

N’oublie pas que tu as besoin de moi.

Lettre 02

Décembre 2024

Je vois que tu ne m’as pas oublié.

Tu m’utilises, me manipule, me transforme.

Je sais que je suis importante pour toi.

Merci.

Lettre 03

Décembre 2026

Prends le temps de choisir tes mots, ta ponctuation.

Prend soin de moi, dorlote moi, enveloppe moi.

Je ne veux pas m’enfouir sous la poussière, disparaître sous l’ombre des moments difficiles.

Je veux brûler à travers toi, transcrire ton amour, tes joies, tes peines.

Je veux exister.

Fais-moi exister.

Lettre 04

Décembre 2028

Un livre, deux livres, trois livres.

Des recueils, des essais, des articles.

J’existe sous plusieurs formes maintenant, je ne suis plus cloîtrée entre les pages de tous ces journaux, ces feuilles volantes, ces carnets.

Où me feras-tu voyager?

Lettre 06

Décembre 2032

Comment vas-tu?

Lettre 05

Décembre 2030

Malgré la tournure des événements, j’existe encore.

Tu luttes mais tu me gardes malgré tout auprès de toi, tout près de toi.

Comment y arrives-tu?

Je sais que ce n’est pas facile, je sais que parfois je peux t’amener dans des endroits sombres et humides, je sais que parfois il est difficile pour toi de m’aborder, mais tu persistes, tu me retiens.

TO YOU

WHEREVER IN THE WORLD

Je lis, je te relis, je te froisse et te défroisse.

Tu m’obsèdes, m’enivres.

Mon écriture, mon échappatoire, ma raison de vivre.

Toutes ces années, tu m’as accompagné, soulevé, réconforté.

De ma plus tendre enfance, à mon adolescence fantôme, ma vie de jeune adulte en questionnement jusqu’à aujourd’hui, à moi, femme, écrivaine, heureuse si on peut encore le dire par les temps qui cours.

Je ne t’ai pas répondu plus tôt car parfois ne rien dire peut tout dire à la fois, je sais que tu ne m’en veux pas, toi qui me comprend si bien.

Mais il fallait que je le fasse, que je m’exprime, que je t’offre à ton tour ces mots, ces points, ces virgules.

Je me rappelle de toi.

Sous toutes les formes par lesquelles tu es passée.

Tu sais j’ai commencé à lire et à écrire pour plusieurs raisons :

Pour pouvoir vulgariser chaque pensée, chaque maux, en mots.

Pour pouvoir enfouir toutes ces couches de vie dans des livres, dans la vie des autres, sous de l’encre.

Pour pouvoir faire sens du monde. Pour pouvoir appartenir à une autre histoire que la mienne.

À travers toi, j’ai trouvé un moyen de m’imprégner du bruit, du silence, du temps, de la présence d’une autre, de la chaleur, du froid, un moyen de partager mes pensées, reloger mes souvenirs autrefois cachés.

Tu es pour moi comme un premier amour, celui qui me laisse respirer, m’envoler, prendre de l’espace, avancer petit à petit vers ma destinée.

Grâce à toi, je peux me projeter, imaginer où je serais si je la laisse m’emporter.

Aujourd’hui, j’écris, je ne fais que ça, écrire sur moi, sur tout, surtout.

Je suis comme une nomade, parcourant les villes, les gens, les lits d’autres, les mains d’autres, des mots sur des cahiers, des écrans, tantôt amoureuse, tantôt solitaire.

Je suis une écrivaine, sans attaches fixes, des poésies volantes, se mêlant à des essais de pensée, récits de voyages…

Tu as existé, tu existes, et tu existeras encore pour longtemps.

Je dois te laisser, mais pas pour un long moment.

Serre-moi fort.

Ne m’oublie pas.

Je ne t’oublie pas.

Ne nous oublions pas.

Merci.