Écrire un peu.

Juste un peu.

Écriture.

Écris-tu?

Et cris-tu?

Tourbillonnant dans la matrice de la vie, ensevelie sous des vagues de maux.

Où vais-je?

Où m’emmènes-tu?

Écris-moi, pour longtemps pour toujours.

De moi à moi.

De toi à nous.

Confidence pour confidence.

C’est toi que j’aime à travers nous.

Étendue de nacre et air salin, sans bruit et sans bataille, elle avance.

Compte à rebours.

à reculons, petit à petit, plus grandes les unes des autres, une vagu-alanche sans fin.

Destruction naturellement meurtrière.

Une déferlante renaissance.

Elle efface et remodèle à sa façon.

J’écris en cursive, de manière impulsive tous les mots qui me poursuivent dans cette aventure fictive.

d’introspections introspectives, de dérives cumulatives, j’arrive.

Native, des mers et de rivières, j’arrive.

Je te dois combien?

L’histoire de ta vie

Tomber en amour avec l’écriture

Tomber pour me relever

Révéler ces moments

Ces moments où

Le temps s’est arrêté

Arrêté de penser, réfléchir, ressentir

Écrire pour me rappeler

d’avancer

Cesser de vouloir

Arrêter

De penser à ces moments passés

Souffle coupé

Vie arrêtée

Envie délaissée

Famille enlacée

Penser à ce qui pourrait se passer

Assembler nos passés

Réécrire nos années

Faire ensemble

Avancer

nos idées

Redécouvrir qui je suis

Où je suis

Que j’existe

Persistance

En mouvance

Opprimée

Compressée

Suffoquée

Submergée

Arrêtée

Respirer

Pour monter

m’envoler

Survoler

Ne jamais cesser de rêver

Partager mes pensées

Repenser

Reloger

mes souvenirs

cachés

sur des livres

sur des pages

sur des vagues

les vagues

de ma vie

de ma plage

notre plage

me rappeler

écrire

réécrire

pour moi

pour toi

pour nous

pour eux

Un souvenir parmi tant d’autres

Conditionnement

Entre soi et soi

Caroline Denervaud,“LIGHTS IN RED”, 2022.

charcoal, pigments, caséine, oil stick and pastel on two papers, 130 x 110 CM 2022

PEINDRE EN VIE.

Nous sommes étalés, là sur le sol, attendant chacun notre tour.

Qui va être l’élu, qui va tracer le premier trait, qui va sonner le gong.

Nous avons tous un rôle précis.

Donner vie à ses mouvements, à son intuition.

Éclabousser en lettres majuscules, B E A U T É, sur une toile blanche, vierge, dans l’attente d’être touchée.

Nous ne savons pas comment cela va se faire, ni se terminer.

Un plan n’est jamais réellement établi, nous suivons juste le train de ses pensées.

Le charbon est souvent celui qui lance la danse.

De son trait noir et charbonneux, nous donne des lignes et courbes à la fois harmonieuses et dénuées de sens.

Charbon:“Quand elle me prend entre ses doigts, et commence cette danse intuitive, je me sens comme pousser des ailes.

Ces mouvements fluides, tantôt pensés, tantôt improvisés, me fascinent tant qu’ils me font peur. Une jambe glissant sur la toile, un bras survolant l’autre, des cheveux traînant entre toutes ces matières. Comment sait-elle me donner vie, comment arrive-t-elle à me faire exister?”

Nous comprenons tous qu’elle utilise son corps sur la toile pour créer des traces guidées par ses mouvements.

Elle tourne, se traîne, s’enroule, se tord dans tous les sens.

Au fur et à mesure, la toile se dévoile, chaque mouvement invite le prochain à alimenter à son tour cette source de vie mouvementée.

Une fois les premières traces établies, les couleurs viennent amener une nouvelle dimension à la toile.

De simple cercles deviennent des lumières, des visages.

Des courbes deviennent des corps.

Caséine : “À partir du moment où elle commence à me malaxer, me faire tournoyer, dans mon pot, c’est comme si elle me prenait dans ses bras et partageait avec moi la chaleur de son cœur.

J’aime comment elle m’utilise, me mélange, crée des couleurs dans mes couleurs. Le bleu, le rouge, le blanc, le vert se transforment en rose, orange, violet. J’existe, mais je renais aussi.”

L’œuvre est comme un livre, où à chaque page tournée, nous, ustensiles de création, découvrons quelque chose de nouveau, quelque chose à quoi on ne s’attendait pas.

Nous ne sommes pas les seuls participants à cette œuvre.

Ceux et celles qui nous regardent faire, participent aussi à ce moment.

Ils nous observent, nous appréhendent, nous questionnent.

Qu’adviendra-t-il du trait au bout de la toile, des traces de pieds éparpillées, comment tout cela va-t-il s’assembler et former un tout, une cohérence?

Du moment de la création à sa finalité, la toile se renouvelle, est vue sous différents angles, de différentes manières, par différentes personnes.

Celle que nous avons réalisé, dégage une chaleur, un amour ardent brillant sous les lumières tamisées rouges écarlates.

Des corps s’emboîtent et se chevauchent, s’embrassent et s’enlacent.

Tous ces mouvements ont finalement pris forme et sens, sous cette danse loufoque cadencée et décalée à la fois.

En découvrant l’œuvre dans son entièreté, après l’avoir vu naître et prendre vie, on comprend.

On comprend qu’il n’y a pas besoin de se conformer aux normes préexistantes, aux règles préétablies qui nous dictent comment faire, comment être, comment peindre.

Nous savons une chose.

Nous voulons laisser une trace.

Une trace de vie.

Une trace pour dire que nous étions là.

Que vous étiez là.

Qu’il existe un nous.

Une toile.

Un tout.